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Seine-Saint-Denis : « Après cinquante ans, je pars avec un baluchon »… A Epinay, les derniers habitants de la tour Obélisque tournent les talons

REPORTAGE : Construite il y a cinquante ans, la tour Obélisque menace de s’effondrer, selon plusieurs avis d’experts mandatés par la préfecture de Seine-Saint-Denis. Les habitants doivent évacuer leur appartement avant mercredi soir, avec ou sans solution de relogement

  • Les habitants de la tour Obélisque d’Epinay-sur-Seine ont appris il y a un mois qu’ils avaient jusqu’au 8 décembre pour définitivement quitter leur logement.
  • Selon les décomptes de la préfecture, 49 propositions d’hébergement d’urgence ont été proposées à 52 ménages sans solution, parmi les 103 que compte l’immeuble.
  • L’Etat, via la Caisse des dépôts, a proposé de racheter les appartements des propriétaires. Selon eux à un prix dérisoire.

A Epinay-sur-Seine,

Entre deux camions de déménagement et malgré la boue endurcie par la fraîcheur matinale, une mère de famille se fraye un chemin, ce mardi matin, pour sortir de la Tour Obélisque avec sa poussette. Comme elle, c’est la vie qui s’échappe de cette tour de 32 étages et 164 logements construite au début des années 1970. Les déménageurs, mandatés par la préfecture, s’affairent pour prendre le maximum d’effets personnels des locataires qui ont pu trouver une solution de relogement. Le reste termine dans la grande benne stationnée juste devant. « C’est tout ce qu’ils ne peuvent pas garder et ça va finir à la poubelle, témoigne un des employés de la commune. Les habitants en ont gros sur la patate. »

« C’est la tour infernale ! »

Et pour cause, deux arrêtés préfectoraux font état d’une « mise en péril grave et imminent » du bâtiment et d’une évacuation complète au plus tard le 8 décembre, soit ce mercredi. L’information a été transmise aux habitants il y a tout juste un mois. Leur dernier recours ayant été rejeté par la justice, ils quittent les lieux avec des solutions d’hébergement d’urgence parfois succinctes. « Je vais loger dans un hôtel à Asnières (Hauts-de-Seine), explique un des locataires du 7e. Je ne me souviens même plus du nom tellement ça a été fait à la va-vite », explique cet ingénieur en BTP à Malakoff (Hauts-de-Seine). Comme lui, Maryse, propriétaire d’un appartement depuis 1973, a obtenu une solution d’hébergement d’urgence à l’hôtel Adagio, Porte de Clichy. Plusieurs sacs à la main et la rage au ventre, elle ne sait pas encore où elle dormira dans un mois. « On m’a dit que j’allais là-bas jusqu’au 1er janvier. Et après, ils ont dit qu’ils verraient… Vous vous rendez compte ? J’habite ici depuis près de cinquante ans et je pars avec un baluchon ».

A ses côtés, Daouda, père de 4 enfants, n’a pas encore eu le précieux message. « J’attends toujours le SMS pour nous proposer un hébergement ma famille et moi », grogne-t-il en brandissant son smartphone. « Ici, c’est la tour infernale ! Il reste encore plein de gens dans les appartements, je ne vois pas comment ils vont pouvoir faire partir tout le monde d’ici à demain soir. Nous en tout cas, on reste. Vous voulez qu’on aille où ? »

Jacques Witkowski, le préfet de Seine-Saint-Denis, à l’œuvre dans l’opération d’évacuation, semble déterminé à faire en sorte qu’il ne reste aucun habitant mercredi à minuit. « Je n’agis pas de ma propre initiative mais avec un rapport judiciaire. Il faut évacuer avec toute l’humanité possible, même si c’est brutal et violent. Cette tour n’est plus occupable, ce n’est plus une question de choix. »

De son côté, Hervé Chevreau, le maire centriste de la ville, explique ne pas avoir la main sur ce dossier. « C’est la préfecture qui s’occupe des hébergements d’urgence, via le Samu social notamment. La ville n’a aucun logement social à disposition, nous ne sommes que le relais entre les habitants et la préfecture », assure-t-il.

« On a payé 13.000 euros de travaux »

Sonia, propriétaire arrivée dans la tour il y a trente et un ans, ne cache pas sa colère. « On paye 800 euros par mois de charge et nous avons encore récemment payé 13.000 euros de remise à niveau aux normes incendies. Qui va nous rembourser ? » Selon elle, malgré la dette de près de 2 millions d’euros de la copropriété, la tour pourrait encore tenir. « L’immeuble est très solide et l’Etat nous fait partir en nous proposant de racheter notre appartement pour seulement 1.200 euros du mètre carré alors qu’il en vaut le double ! »

L’offre de CDC Habitat, filiale de la Caisse des Dépôts mandatée par la préfecture, propose en effet des tarifs largement en dessous des prix du marché. Le prix moyen dans le quartier est de 2.577 euros, selon Meilleurs agents . Mais CDC Habitat se défend auprès de 20 Minutes de vouloir faire une opération financière. « Afin de leur proposer un prix au plus juste, nous avons fait réaliser des estimations par le Service des Domaines, organisme d’État. Les prix sont en adéquation avec les ventes réalisées dans cette résidence ces dernières années, affirme l’organisme. Les difficultés rencontrées depuis de nombreuses années par cette copropriété se sont traduites par une forte baisse des valeurs des transactions. CDC Habitat ne réalise pas une opération de plus-value immobilière. »

Au-delà des meubles à jeter, reste les animaux de compagnie, dont le sort est incertain. « J’ai une chatte qui a fait trois petits il y a quelques jours. Que vont-ils devenir ?, s’inquiète Sonia avant de s’en excuser. Ce n’est pas le plus important, il reste surtout des enfants dans l’immeuble. Faire ça à cette période… Nous n’aurons pas de Noël cette année, y ont-ils pensé ? » Jacques Witkowski le reconnaît : cette crise est « l’une des plus difficiles » qu’il ait jamais eus à gérer dans sa carrière de haut fonctionnaire.

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