LOGEMENT : Victimes par ricochet d’une transaction foncière, la trentaine de résidents d’un hôtel devaient quitter les lieux ce jeudi 30 juin
« Ils veulent nous mettre dehors. » Rabia habite depuis huit ans dans l’hôtel du Marché, situé à l’intersection entre la rue Bouret et la rue de Meaux, dans le 19e arrondissement. « Ils nous ont prévenus il y a trois mois qu’on devait partir aujourd’hui. Et qu’en ce cas, ils nous offraient le loyer de juin. Partir, mais pour aller où ? » s’interroge cet homme à la longue barbe blanche. Et pourtant, son logement est loin d’une suite au Lutetia. Cinq cents euros mensuels pour 9 m², avec toilettes sur le palier et une douche pour l’ensemble des locataires. « Lui, il ne paye que 400 euros, mais il a une demi-chambre avec une moitié de fenêtre », rigole de dépit Rabia en montrant Hakim, son voisin.
La miséreuse routine de l’hôtel a pris fin en 2021 quand Mondafim, une société immobilière située dans 16e arrondissement, a acquis les murs auprès de l’ancien propriétaire. Ni une ni deux, elle obtient que le gérant de l’hôtel lui cède le fonds de commerce, alors que le bail n’avait pas été renouvelé. Une belle opération immobilière se profile, car si l’hôtel est miteux, il est situé en plein cœur du quartier Secrétan, en voie de gentrification, où la pinte de blonde de base se négocie 8 euros et où le médiatique, mais désormais célibataire, chef Juan Arbelaez a ouvert un restaurant.
L’interminable attente du logement social
« L’affaire est juteuse, mais il y a un problème à la bonne marche du business : les locataires », écrit le DAL dans le communiqué appelant à une journée de mobilisation ce jeudi 30 juin. Et malgré la pluie, l’association a rameuté militants, banderoles et mégaphones pour défendre le sort des résidents, le tout sous la surveillance discrète des RG. « Nous les avons aidés à monter un collectif pour qu’ils puissent mieux se défendre ensemble, explique Passy, militant du DAL. On a été reçus par la mairie du 19e arrondissement, où on nous a parlé d’une éventualité de relogement. »
Nombre des habitants ont déjà fait une demande de logement social, comme Sophie*, qui vit avec son conjoint Patrick*, 66 ans et malade d’Alzheimer depuis quatre ans. « La mairie se fiche de nous, ils ont organisé un barrage téléphonique, dénonce-t-elle. Le service social nous renvoie vers la mairie qui nous renvoie vers le service social, on tourne en rond ! » Pour elle, son relogement est d’autant plus urgent depuis la maladie de son conjoint, qui a de grandes difficultés à se déplacer. « Nous sommes au quatrième étage sans ascenseur, mais nous devons descendre au premier pour la douche, sans compter les soins quasi-quotidiens pour Patrick. »
« On ne va pas leur fournir la bonniche en plus ! »
De son côté, le gérant de l’hôtel, attablé au café voisin des Deux amis, réfute le terme de « marchand de sommeil » et les critiques du DAL, qui dénoncent des « conditions de logement des classes populaires du siècle dernier à Paris ». « Il ne faut pas être de mauvaise foi, explique-t-il dans sa loge où il nous reçoit. On n’a jamais forcé les locataires à venir ici. Cinq cents euros par mois et ils ne payent pas l’eau et peuvent faire la cuisine. On ne va pas leur fournir la bonniche en plus ! On doit payer un loyer aussi, les assurances, etc. »
Incités à partir, mais sans alternatives de logement, les habitants sont désemparés et certains font état de pression de la part de gros bras. « On nous a menacés de casser nos portes et de changer nos serrures », témoigne Rabia. Face à cela, Passy indique que le DAL a « alerté la police en cas d’expulsion violente ».