ÇA VA GRIMPER De nombreux ménages vont être évincés du marché du neuf selon une étude prospective qui anticipe une hausse de 28 % des prix sur trois ans…
- L’Observatoire immobilier de Provence publie une étude prospective pour les trois années à venir, en dénonçant notamment le peu de permis de construire octroyé par la ville de Marseille.
- L’élue en charge de l’urbanisme appelle en retour les promoteurs à déposer des dossiers plus rigoureux et en règle avec le plan local d’urbanisme intercommunal.
- D’après l’OIP, il faudra fin 2024 à un ménage gagner 56.000 euros annuels (au lieu de 41.300 euros actuellement) pour espérer acquérir un T3 dans le neuf. Beaucoup vont ainsi être exclus de ce marché, se reporter sur l’ancien ou rester en location et aggraver de facto les tensions sur l’ensemble de l’immobilier.
C’est ce qui s’appelle mettre un bon coup de pression. L’étude prospective de l’Observatoire immobilier de Provence (OIP) pour les trois années à venir « n’est pas optimiste, et c’est un euphémisme », lâche Christian de Bénazé, l’un de ses auteurs, qui va jusqu’à convoquer l’image de « gilets jaunes de l’immobilier ». « Dans le neuf, les prix vont continuer à flamber, ce qui va écarter des milliers de ménages de la métropole », alerte-t-il à l’attention des collectivités locales, et plus particulièrement des élus qui délivrent les permis de construire.
Dans le détail, il fallait en 2021 à un ménage cumuler 41.300 euros de revenus annuels pour acheter un logement neuf. Fin 2024, selon les données compilées par l’OIP, il faudra à ce même couple gagner 14.700 euros de plus sur l’année pour espérer acquérir ledit logement. L’OIP table alors sur un prix au mètre carré de 6300 euros le mètre carré dans le neuf, soit 28 % d’augmentation.
En l’espace de trois ans, la proportion de ménages solvables pour acheter un T3 neuf passe ainsi de 51 % à 30 %. Autrement dit, 40.000 ménages ne pourront plus, à cette échéance, accéder au marché neuf de l’immobilier pour acheter un appartement. Et 25.000 ménages pour les maisons individuelles. Les recalés achèteront dans l’ancien, qui reste moins cher même si l’OIP anticipe à Marseille un prix de 2840 euros le mètre carré dans trois ans (soit 8 % d’augmentation), ou partiront se loger en périphérie. Certains, aussi, renonceront à leur projet.
« Pour une métropole attractive, il faut du logement »
« Les gens qui ne peuvent plus acheter dans le neuf repoussent ceux qui peuvent acheter dans l’ancien, qui vont eux-mêmes repousser des ménages vers le marché locatif, et en fin de chaîne il y a le locatif social, dont on sait sur la métropole qu’il y a déjà huit ans d’attente », souffle Christian de Bénazé, président de la commission prospective de l’OIP. « Cette situation est socialement dommageable car les ménages n’ont plus la liberté de choix de leur logement », ajoute-t-il.
« Pour que la métropole reste attractive et ne perde pas d’habitants, il faut avoir du logement, la Provence s’endort un peu trop sur ses lauriers, or il y a d’autres territoires attractifs, à l’image de la Côte atlantique », lance Arnaud Bastide, le président de l’OIP. Le phénomène d’exclusion du marché de l’immobilier n’est cependant pas propre à Marseille et sa région, et doit être lié aussi à la hausse des coûts de construction, sans compter les taux d’intérêt à la hausse et les nouveaux habitants qui bousculent encore le rapport entre offre et demande, avec un effet sur les prix.
« 60 % de refus de permis de construire en 2021 »
L’OIP, tout en proposant un panel de solutions comme un bonus TVA pour les communes bâtisseuses ou une fiscalité encourageante pour les primo-accédants modestes, pointe aussi des responsabilités plus locales. « A Marseille il y a eu 60 % de refus de permis de construire en 2021, quand la moyenne des refus se situe entre 15 % et 20 % dans les grandes métropoles, lâche Arnaud Bastide. Si on ne produit pas, cela a des répercussions sur les prix ! » D’après lui, « sur les 5.000 logements annuels prévus par le Plan local d’urbanisme intercommunal à Marseille, on est en 2021 sur 2.000 permis obtenus. »
Pour Mathilde Chaboche, adjointe au maire de Marseille en charge de l’urbanisme, « la totalité des refus de permis est en effet trop élevée », même si elle conteste le taux annoncé par l’OIP. « Nous les refusons parce qu’ils sont illégaux, nous n’avons donc pas de choix », réagit-elle, encourageant les acteurs à déposer des dossiers rigoureux « qui respectent le nouveau PLUI et les plans de prévention des risques. » « Cela évitera de la perte de temps à tout le monde et nous pourrons poursuivre ensemble la relance de la construction », ajoute l’élue. C’est ce qui s’appelle aussi, être renvoyé dans ses filets.