IMMOBILIER : Voilà des mois que le secteur du bâtiment alerte sur la pénurie de matériaux dont il est victime. Mais de quoi parle-t-on ? Quel est l’impact concret sur les chantiers de rénovation et de construction ?
Arrêter du jour au lendemain une économie entière n’est pas rien, surtout lorsque cette pause forcée dure plusieurs mois. Entre autres conséquences économiques, la pandémie du Covid-19 et les restrictions sanitaires qui ont dû être prises ont pris de court de nombreux secteurs d’activité et notamment celui du bâtiment, en provoquant une flambée des prix des matières premières et des délais pour les acheminer. Touchant de plein fouet les professionnels, cette crise se répercute inévitablement sur les particuliers.
Trop de demandes, pas assez d’offres
Plusieurs facteurs ont contribué à créer ce phénomène mondial de pénurie temporaire. Bien entendu, la politique de « stop and go » menée par de nombreux États en 2020 est la première responsable, comme l’explique Matthieu Burin, cofondateur d’Hemea, un studio d’architecture : « Une fois à l’arrêt, les grosses usines de production ne peuvent pas redémarrer immédiatement », sans compter que le personnel nécessaire était le plus souvent au chômage partiel.
Or, « la reprise économique a été beaucoup plus forte que prévu, notamment aux États-Unis et en Asie », poursuit l’ingénieur travaux. Conséquence logique : une rupture d’approvisionnement qui a créé un embouteillage de commandes et entraîné l’augmentation des prix des matières premières et des délais de livraison.
Des hausses partout
Tous les matériaux de construction ont été impactés par ce phénomène. Certains ont même vu leurs tarifs exploser, comme le confirment les estimations réalisées au second trimestre 2021 par Hemea. En tête de liste, le prix de l’aluminium a bondi de 61 %, contre + 57 % pour l’acier, + 51 % pour le cuivre et + 48 % pour le bois brut. Les panneaux isolants pour la toiture ont accusé une hausse de 40 %, tandis que le plâtre a gagné 22 %, tout comme le carrelage à + 20 %, tandis que la peinture affiche + 10 à + 15 %.
Il faut ajouter l’allongement des délais de prestation. « Alors qu’il fallait auparavant compter 3 jours pour acheminer du plâtre, on est passé à 3 semaines aujourd’hui », d’après Mohamed Dahrouch, directeur opérationnel de Valoptim, un constructeur de logements écologiques neufs en Île-de-France. Même cas de figure pour le métal, dont le délai a doublé en atteignant 6 semaines. Résultat : il faut compter plus d’un mois supplémentaire pour livrer un bien.
L’addition grimpe
Mais qui subit toutes ces hausses ? Les artisans évidemment, mais aussi, par ricochet, leurs clients. Les devis de travaux répercutent en effet l’augmentation du coût des matériaux mais aussi des délais de réalisation, qui font encore grimper l’addition. À titre d’exemple, Hemea a évalué que la réfection complète d’une salle de bains de 7 m2, électricité et plomberie comprises, revenait en temps normal à environ 17.750 euros, contre une facture de 18.940 euros dans le contexte actuel. De même, Mohamed Dahrouch rappelle que « les travaux représentent 65 % du coût total de la construction d’un bâtiment ». Valoptim prévoit donc une petite hausse de prix pour les futurs acquéreurs des opérations en cours de négociation, sachant que l’immobilier connaît déjà de belles envolées depuis 2020…
Si le phénomène est global et bien réel, il faut toutefois le nuancer. Une récente enquête, réalisée par le cabinet de conseil international Simon-Kucher & Partners auprès d’une cinquantaine de managers français du secteur de la construction, révèle que seulement la moitié des industriels sondés ont appliqué une hausse des prix.