- Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), présidé par le ministre de l’Economie, a imposé en décembre 2019 des contraintes aux banques sur les conditions d’octroi de crédits immobiliers.
- Depuis, la crise du Covid est passée par là, et avec elle une crise économique globale.
- Malgré des taux d’intérêt toujours très bas depuis plus d’un an, il est de plus en plus difficile d’obtenir un crédit pour un logement. Les emprunteurs ne doivent pas dépasser 33 % de taux d’endettement, avoir un apport d’au moins 10 % du prix d’achat, et si possible une épargne supplémentaire.
Si l’immobilier reste une valeur refuge, les places sont de plus en plus chères. Difficile, en effet, de pouvoir souscrire un crédit immobilier aujourd’hui. En tout cas, plus difficile qu’hier, à en croire les professionnels du secteur. La faute au coronavirus et à la crise économique majeure qui en découle ? Seulement en partie. Car pour comprendre pourquoi les banques sont aujourd’hui aussi frileuses face aux demandes de prêts, il faut remonter en arrière. En décembre dernier, soit avant l’arrivée du fameux virus.
À l’époque, déjà, les établissements avaient appuyé sur la pédale de frein, selon les directives du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), placé sous la direction du ministre de l’Economie. En cause : des taux d’intérêt au ras des pâquerettes depuis plus d’un an et une durée d’emprunt toujours plus longue.
Des règles strictes
Si le HCSF a alors décidé de fermer le robinet à crédits, c’est qu’il a considéré que les banques offraient des conditions d’accès trop souples et généreuses, qui auraient pu les mettre en danger en cas de grave crise financière (laquelle est finalement arrivée). « Avant, les banques étudiaient principalement le « reste à vivre » des emprunteurs pour accepter ou non un dossier, explique Maël Bernier, porte-parole du site Meilleurtaux.com. Désormais, elles sélectionnent selon des critères plus stricts ».
En premier lieu, le taux d’endettement doit se limiter à 33 % des revenus, c’est-à-dire que la mensualité du crédit ne doit pas représenter plus du tiers des revenus de l’emprunteur. Des dossiers qui atteignent 35 ou 36 % pouvaient être acceptés auparavant, mais ce n’est plus le cas à de rares exceptions, le HCSF autorisant les banques à dépasser ce seuil pour 15 % des dossiers. « De fait, de nombreuses personnes se retrouvent exclues de l’accès à la propriété », constate Maël Bernier. Selon les chiffres 2020 de Meilleurtaux.com, un tiers des demandes de crédits dépassent ce taux, et parmi elles, la moitié seulement est acceptée.
Un apport minimum
Si les taux bas permettaient l’accès au crédit immobilier à des personnes aux revenus modestes, c’est aussi parce qu’ils permettaient d’étaler ces emprunts sur des durées importantes, plus de vingt-cinq ans. Là aussi, le HCSF a dit stop. « Le frein a été mis à vingt-cinq ans, témoigne Alban Lacondemine, président d’Emprunt-direct et courtier en crédit immobilier. On voyait des dossiers allant jusqu’à vingt-sept. Mais maintenant, même sur vingt ans, les banques sont devenues frileuses. » Pour cet expert, à moins d’avoir de forts revenus et à condition de payer un coût du crédit important, il n’est pas possible d’emprunter à plus long terme.
Troisième condition, et non des moindres, pour obtenir un crédit immobilier : l’apport. Alors qu’il y a encore un an, il était possible d’obtenir un emprunt supérieur à 100 % de l’achat (qui couvre le logement plus les frais annexes), aujourd’hui, c’est presque impossible. Alban Lacondemine le confirme : « Les banques demandent un apport minimum de 10 % maintenant, parfois plus, pour couvrir les frais de notaires et les frais de garantie. » Et selon les deux experts, les banques peuvent aussi demander en plus aux emprunteurs d’avoir un peu d’épargne de côté.
Les banques préparent la crise
Cette frilosité, déjà installée, n’aurait donc été qu’accentuée par la crise du Covid. « Entre la demande de crédit et la signature officielle, il y a entre 3 et 4 mois. Avec les risques de crise à venir, les banques vont encore continuer à freiner », estime même Alban Lacondemine. Selon lui, les banques auraient déjà réduit de 30 % le nombre de crédits attribués par rapport à la même période l’année dernière. Et les dossiers de personnes travaillant dans des secteurs sensibles risquent d’être plus facilement rejetés : « Pour quelqu’un qui travaille dans la restauration, par exemple, même s’il est en poste, ce sera plus difficile. »
Maël Bernier dresse le même constat, mais regrette une telle orthodoxie dans les contraintes appliquées : « Le bilan des banques n’est pas si mauvais et le système de prêt, en France, est quand même ultra-sécurisé, avec des assurances-emprunteur et des cautions. D’autant que les banques continuent à bénéficier de taux négatifs. C’est dommage de priver tant de personnes de l’accès à la propriété. »
Les jeunes et les revenus modestes pénalisés
Les premières victimes de ce serrage de vis sont, comme bien souvent, les jeunes. Chez Meilleurtaux.com, 60 % des demandes de prêts sont effectuées par des mois de 35 ans, et 45 % ont moins de 30 ans. « À part des personnes qui bénéficient d’un héritage ou de parents très généreux, les jeunes n’ont souvent pas, ou pas assez, d’apport et d’épargne, explique Maël Bernier. On est en train de leur dire « Vous resterez locataire ». »
Alban Lacondemine dresse le même constat et ajoute à la liste des victimes les revenus modestes et les primo-accédants : « Même la possibilité de 15 % de dossiers hors des clous, toutes les banques ne l’utilisent pas. Ou alors seulement pour des personnes à très forts revenus. » Le courtier glisse avoir eu des expériences avec certaines banques qui refuseraient désormais tout crédit immobilier à des revenus inférieurs à 80.000 euros par an.