IMPACT : Les sanctions de l’Union européenne envers la Russie en réponse à la guerre en Ukraine ont des conséquences directes sur l’immobilier dans les Alpes-Maritimes avec, entre autres, le blocage des échanges interbancaires et la hausse du prix des matières premières
Face à la guerre en Ukraine, l’Union européenne a décidé de sanctionner économiquement la Russie. Ainsi, elle a, entre autres, exclu sept banques russes de Swift, ce système financier permettant aux banques d’échanger à l’international. Une conséquence directe sur la Côte d’Azur, notamment sur l’immobilier et pas seulement pour les oligarques.
Cyril Messika, président de l’Observatoire immobilier d’habitat commente : « Les clients russes ne peuvent plus payer leur loyer à cause de ce blocage. Le territoire est une terre d’accueil pour la communauté russe, et pas seulement pour les milliardaires. On pâtit de cette situation sans pouvoir faire quelque chose. Il faut réagir rapidement car ce n’est pas anecdotique. » Il ajoute : « L’urgence est sur le surcoût des matériaux, dû aux boycotts, et qui font augmenter les factures de plus de 30 %. On est face à une réelle problématique. »
Des délais qui passent « de 4 à 6 semaines à 5 à 4 mois »
En effet, pour faire davantage pression et faire cesser la guerre, l’Union européenne a accentué ses mesures contre la Russie. Le 15 mars, elle a notamment instauré un « quatrième train » dont des restrictions commerciales concernant le fer, l’acier et les produits de luxe. Là encore, l’immobilier de la Côte d’Azur est affecté.
Patrick Moulard, président de la Fédération des bâtiments et des travaux publics (BTP) des Alpes-Maritimes développe : « Il y a un surcoût de la totalité des matières premières et ça a des répercussions directes sur les constructions. On est passé d’un délai de 4 à 6 semaines à 4 à 5 mois pour la fabrication d’un tableau électrique. Aujourd’hui, des projets sortants ne peuvent plus se faire, il y a des reports des chantiers. Tous les maîtres d’ouvrage n’acceptent pas de payer ces frais supplémentaires. On s’attend alors à un vrai frein pour notre activité car on sait qu’il n’y aura pas de changements avant plusieurs mois, voire plusieurs années. »
Pour lui, la situation est « sans issue ». « Même si on veut faire autrement, il y a des limites. Surtout dans notre territoire qui est contraint à une réglementation particulière de construction parasismique. Ça nous oblige à utiliser beaucoup plus d’acier par rapport à d’autres territoires. Avant la crise en Ukraine, la tonne était à 600 euros, aujourd’hui, elle est à 1.800 euros. Comment peut-on se projeter dans l’avenir avec un prix qui est multiplié par trois et qui va changer presque au jour le jour ? »
Les Russes ne peuvent plus acheter, mais les Ukrainiens, oui
A toutes ces problématiques s’ajoute celle du marché russe qui disparaît des agences immobilières. « Trois acquisitions ont été stoppées parce que mes clients russes n’ont pas pu débloquer les fonds, explique Alban Leloup de Masséna Immobilier, à Nice. Même si ce n’est pas ma clientèle principale, ça reste de belles transactions, avec des biens entre 500.000 et 800.000 euros. Sur la Côte d’Azur, ces clients avaient pris depuis quelques années cette place du haut de gamme. » Une catégorie qui peut aller jusqu’à 4 millions d’euros pour un bien.
C’est l’une des cibles de Laurent Merengone de l’agence Gubernatis immobilier. Il constate alors que « beaucoup de Russes veulent louer leur villa alors qu’ils l’ont achetée il n’y a pas si longtemps. D’autres sont même contraints de vendre en pensant anticiper de nouvelles restrictions ou simplement parce qu’ils ne peuvent plus venir ici. D’où l’importance de diversifier sa clientèle. J’ai vu passer un mail d’une agence spécialisée en luxe qui traite essentiellement avec des russophones qui propose maintenant des offres avec 20 % de promotion. »
Et un client chasse l’autre. « Je viens de signer un 3 pièces dans le carré d’or à Nice, à 700.000 euros à un client ukrainien, poursuit l’agent immobilier. Et j’ai aussi des demandes pour des locations cet été de CSP +. Les personnes aisées cherchent à rester sur la Côte d’Azur. C’est un phénomène nouveau auquel je ne m’attendais pas du tout. »
Mais pour les Ukrainiens avec moins de moyens, « c’est plus compliqué », confie Moïse Vergeot, président du groupement Orpi Côte d’Azur. « Ce n’est pas facile de trouver des garants pour les bailleurs, il n’y a pas de revenus d’impôts. Il faut alors essayer d’avoir de l’épargne disponible. La situation n’est pas simple de ce côté-là non plus. »