TOURISME : Le comité régional du tourisme s’est penché pour la première fois, dans une étude, sur l’impact économique des résidents secondaires, un sujet qui agite la région
Erquy, son cap, son port de pêche, ses plages… Et ses volets fermés. En ce mardi de février, la station balnéaire des Côtes-d’Armor a des airs de ville fantôme. A l’exception du bourg et du port, il n’y a pas âme qui vive dans les rues et le long du bord de mer. « C’est désert et c’est comme ça tout l’hiver », confirment Agnès et Charles, un couple d’Anglais croisé sur la plage de Caroual, à l’entrée de la ville. Cela n’est d’ailleurs pas pour leur déplaire, eux qui ont traversé la Manche pour profiter d’une retraite au calme et au bord de mer.
Ils ne sont pas les seuls à avoir succombé au charme d’Erquy. La commune, qui accueille 4.000 habitants l’hiver et près de 30.000 l’été, compte plus de 2.000 résidences secondaires, soit 60 % du total des logements. Erquy n’est pas une exception en Bretagne. Dans certaines communes du littoral, notamment dans le golfe du Morbihan, ce taux atteint même les 80 % selon une étude du Comité régional du tourisme qui vient d’être rendue public.
« Les jeunes ne peuvent pas acheter ici, c’est devenu Monaco ! »
Une situation que dénonce le collectif indépendantiste breton Dispac’h. En 2018, ses militants s’étaient distingués en collant des affiches « Bretagne résidence secondaire : villages en ruines, jeunesse en exil ! » un peu partout dans la région. L’an dernier, de mystérieux tags faisant mention du pourcentage de résidences secondaires avaient également fleuri sur les façades de plusieurs mairies bretonnes. Des actions qui ont relancé le débat sur l’omniprésence des résidences secondaires sur le littoral en Bretagne.
Dans le bourg d’Erquy, certains enragent d’ailleurs à l’évocation du sujet. « C’est mort les trois quarts de l’année ici. Tout est fait pour les vieux, il n’y a plus rien pour les jeunes », fulmine Samuel, attablé au comptoir du Fréhel, l’un des seuls bistrots du coin. « De toute façon, ils ne peuvent pas acheter ici, c’est devenu Monaco ! », ironise son camarade de zinc.
Nouvelle propriétaire sur la commune où elle est née, Martine regrette aussi le bon vieux temps où la station balnéaire était animée à l’année, et pas seulement pendant l’été. « C’est un peu pesant comme ambiance, reconnaît-elle. J’aime bien randonner et c’est vraiment triste de ne croiser personne et de voir toutes ces maisons fermées ». Pour un peu, elle regretterait presque de s’y être installée. « C’est mon mari qui a réussi à me convaincre. Mais moi qui viens de la ville, j’aurais préféré venir ici seulement le week-end », indique la jeune retraitée.
Des retombées économiques évaluées à 220 millions d’euros
Maire d’Erquy depuis 2007, Christiane Guervilly connaît bien la sociologie de sa commune. Et pour elle, les résidents secondaires sont une chance. « Ces propriétaires consomment, réalisent des travaux dans leurs maisons et font du coup vivre de nombreuses entreprises dans le secteur », assure-t-elle. L’étude du CRT évoque ainsi la somme de 11.350 euros dépensée par résidence secondaire chaque année en Bretagne et des retombées économiques globales évaluées à 220 millions d’euros. « Sans ces résidences secondaires, on ne pourrait pas avoir une telle offre de commerces ou de services à l’année », indique la maire d’Erquy.
Quant à l’envolée des prix de l’immobilier, elle estime qu’elle est liée « à la beauté du site » et qu’elle aura « du mal à juguler ça ». « Mais j’ai bien conscience qu’on doit trouver des solutions pour réussir à garder les jeunes ménages et créer une osmose entre les habitants dans nos stations », assure-t-elle.